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10/06/2018

La mutation du CESE en « Chambre de la Société civile »

Le Conseil des Ministres du 9 mai a transmis au Parlement le projet de réforme constitutionnelle impulsé par le Président de la République. Cette réforme prévoit la rénovation du CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental), cette instance tant décriée dont cette chronique parle souvent de manière positive.

La troisième assemblée de la République, loin d’être supprimée, voit son rôle réaffirmé et renforcé. Le CES devenu CESE avec le E de Environnement, est chargé de répondre aux saisines du gouvernement ou de s’autosaisir sur tout sujet sur lequel il décide de travailler. Le CESE a rédigé de nombreux rapports qui ont servi de leviers pour des lois emblématiques comme la loi contre les exclusions où celle de la représentativité syndicale. Pour y avoir contribué, je peux affirmer que les débats du CESE national opposent des points de vue très différents, défendus par des personnalités aux convictions affirmées, mues par la seule ambition de rechercher des compromis acceptables par la société tout en étant porteurs de changements efficaces. Jamais je n’ai côtoyé autant de réformateurs ou de réformistes qu’au sein du palais de Iéna.

Le projet de loi propose au Parlement 4 nouvelles missions au CESE :

- Travailler plus particulièrement les conséquences à long terme des décisions prises par les Pouvoirs Publics. C’est « la chambre du temps long » chère à cette chronique et théorisée par Jean Paul DELEVOYE.
- Organiser la consultation du public, mission qui reste à préciser.
- Eclairer le Gouvernement sur tous les projets de loi de son ressort (économique, social, environnemental). Ainsi, comme le dit le Président du CESE, Patrick BERNASCONI, « l’avis de la société civile organisée sera, connu de tous, préalablement à la transmission du texte au Conseil des Ministre et au Parlement. Voilà une évolution proche de la notion de « loi négociée », ici souvent préconisée.
- Prendre en compte la parole citoyenne par une compétence sur les pétitions citoyennes.


Plusieurs changements proposés feront débat. Les effectifs des 3 assemblées seront réduits pour des motifs d’économies budgétaires. Il n’y aura plus de collège de personnalités qualifiées nommées par le gouvernement. Enfin le CESE pourrait changer de nom et s’intituler dorénavant : la Chambre de la Société Civile.

Voilà une bonne nouvelle dans ces temps où les corps intermédiaires s’interrogent sur les visées du nouveau Président.


19:47 Publié dans CESE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cese

25/05/2018

Depuis 40 ans, la fête du travail se cherche comme le travail.


Où sont passés les Premier Mai revendicatifs, populaires et festifs des années 70. Je n’en manquais aucun. En quatre décennies, mortes et enterrées ces fêtes du travail conviviales et rien ne les a remplacées. Pour de nombreux militants réformistes, le Premier Mai est aujourd’hui synonyme de grasse matinée et de repos. Déjà dans les années 80, Edmond MAIRE, Secrétaire Général de la CFDT, avait refusé de participer à une manifestation où le syndicat appelait. Il n’y voyait pas d’intérêt.

On peut regretter, en ces moments de fort chômage, la sortie provocante et peu respectueuse du monde du travail – non ce n’est pas un gros mot- du Président de la République qui se vante de travailler, lui, tous les jours même le premier mai, comme si ce n’était pas le cas du salariat de 2018 !

Le Premier Mai fait partie de notre culture commune, le familistère de GUISE avait souhaité instaurer une fête des travailleurs, mais ce sont les syndicats américains de l’AFL-CIO qui se sont battus pour le Premier Mai et ont été les premiers à le fêter à CHICAGO en I886. En 1991, avec Pierre MAUROY, alors Premier Ministre, nous manifestions à FOURMIES pour le centenaire du premier mai où ont été tués 6 ouvriers.

On peut, comme beaucoup, ne pas manifester ce premier mai 2018, mais -en même temps- respecter et même honorer cette mémoire collective comme nous le ferons pour mai 68. Oui, les propos du Président étaient choquants.

Cette chronique s’interroge chaque semaine sur les évolutions, souvent radicales, du monde du travail, évolutions qui attisent les tensions sociales.

Le dernier congrès de Force Ouvrière qui s’est tenu à LILLE dans une ambiance détestable a montré combien les dirigeants syndicaux avaient les pires difficultés pour faire bouger les lignes et les comportements militants.
Jean Claude MAILLY qui a tenté d’ouvrir un dialogue constructif avec le gouvernement pour infléchir les ordonnances travail a été ainsi malmené pendant toute la semaine.
Dans tous les syndicats, les dirigeants sont en difficulté, nous avons vu les deux responsables régionaux de la CFDT démis de leur fonction parce que jugés collants trop aux nouvelles modifications du territoire régional. Désemparés devant les stratégies patronales et gouvernementales et encore plus devant celles des salariés, trop de délégués syndicaux se retranchent derrière un discours certes virulent mais peu opérant. Bien sûr, rien ne dit que les efforts mis par de nombreuses sections syndicales pour comprendre ces évolutions et les négocier soient vains, bien au contraire.

Nous comprenons alors pourquoi depuis 40 ans, à cause du travail, la fête du travail comme les syndicats se cherchent

09:23 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 1er mzi

05/05/2018

Et si la stratégie gouvernementale avait pour ambition d’imposer un changement de paradigme dans la conception du rôle des syndicats ?

Semaine après semaine, les relations entre le gouvernement MACRON et les syndicats deviennent de plus en plus problématiques. Les congrès de Force ouvrière, la semaine passée, et celui de la CFDT qui se prépare, illustrent le profond fossé qui se creuse entre des militants qui ont souvent voté MACRON et qui déchantent dans un désarroi grandissant.

Quand le gouvernement engage une négociation ou décide de recourir à une concertation, alors qu’il en a prédéterminé les résultats, il dégrade durablement la relation et génère potentiellement une relation de confrontation avec ses interlocuteurs.

Relevons cet enseignement du conflit SNCF : si l’on a déjà écrit, ou si l’on a déjà annoncé le résultat final, il n’est jamais bon d’engager ou de feindre engager une discussion. D’autant plus quand la décision prédéterminée se situe à mille lieux de l’objectif de la partie adverse. C’est pourtant ce qu’a fait, à dessein, le Premier Ministre en annonçant le 26 février : « A l’avenir, à une date qui sera soumise à la concertation, il n’y aura plus de recrutement au statut ». Il confirmera encore les sujets non négociables : l’ouverture à la concurrence, la réorganisation de l’entreprise et la fin du recrutement au statut. Dans le même temps, le chef du gouvernement et la ministre des transports ne cessent d’assurer qu’il existe bel et bien un espace de négociation, puisqu’un cycle de concertation est en cours pour « discuter » des modalités de mise en œuvre des décisions. Cette volonté de concertation est si claire que la date d’arrêt des recrutements au statut sera connue des négociateurs syndicaux en lisant la presse !

C’est le b a Ba des formations aux relations sociales, soit on veut maintenir la relation et on engage alors une véritable discussion en acceptant une issue tenant compte des points de vue de chaque partie, soit on décide seul en assumant « courageusement » le caractère non négociable de la décision.

Les leaders syndicaux réformistes qui ont accepté, par conviction, cette concertation sont aujourd’hui pris à parti par de nombreux militants qui leur reprochent une certaine naïveté voire de la complaisance avec le pouvoir, (cf. les critiques entendues au congrès FO contre Jean Claude MAILLY).

Le 12 avril, les leaders CFDT, CFTC et UNSA, dans une vibrante tribune intitulée « Des réformes mais plus de démocratie sociale », ont clairement exprimé leurs difficultés à être des acteurs dans les réformes en cours. En effet, les ordonnances travail, l’assurance chômage ou encore la formation professionnelle ont relevé d’une stratégie gouvernementale similaire faite de multiples « espace-temps » d’échanges (concertation, négociation interprofessionnelle, réunions multilatérales) mais dans un cadre contraint et toujours avec des mesures pré-écrites voire dictées par le gouvernement.

Aussi, il apparait chaque jour un peu plus que la réforme de la SNCF, au-delà du fond, entend parachever, consacrer voire sacraliser le changement de paradigme que la nouvelle majorité veut imposer aux organisations syndicales.