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07/01/2017

hommage de Laurent Berger à François Chérèque

N- 01 - Annexe Hommage de Laurent Berger a- Franc-ois Chereque -1-.pdf

02/01/2017

François CHEREQUE est décédé

Syndicaliste du résultat, réformiste impatient, François est décédé, ce jour, après le plus dur combat de sa vie, celui contre la maladie implacable.

François a été le Secrétaire Général de la CFDT de 2002 à 2012. J’ai vécu, sous sa responsabilité, toute la négociation de la réforme des retraites de 2003 puis la négociation de l’assurance chômage fin 2005.

Fin tacticien, il n’était jamais aussi bon que dans l’action. Il refusait la réunionite, les simagrées, les figures imposées du dialogue social. C’est pour moi un pur régal d’avoir participé en binôme, à ses côtés, à cette nuit de discussion avec FILLON et DELEVOYE puis à cette séance de négociation avec RAFFARIN en 2003. Souvenirs :

Nous entrons dans la salle, rue de Grenelle, du ministère du travail, il est 17 h. François salue Bernard THIBAULT, son homologue de la CGT, celui-ci s’étonne de voir qu’un buffet est préparé. « On ne va pas y passer la nuit ? », « Pourquoi pas » répond CHEREQUE. Contrairement à la CGT qui venait écouter et contester le Ministre, François venait, avec son équipe, négocier, pas à pas, chaque ligne d’un relevé de conclusions qui devait servir de base au projet de loi. Il ne supportait pas tous ces réformistes de salon qui disent vouloir une réforme mais jamais celle-là.
Pour les militants qui négocient aujourd’hui, voici une belle leçon. Nous sommes dans le grand bureau ovale de Matignon, d’un côté le Premier Ministre Monsieur RAFFARIN, de l’autre François CHEREQUE. La nuit de discussions avec les ministres n’a pas abouti, le Premier Ministre nous reçoit pour reprendre les discussions. Cela se déroule dans une atmosphère de plomb, le pays est proche de la révolte sociale, le sujet des retraites n’a jamais été autant anxiogène. Raffarin est assis, les mains à plat sur cette grande table, il regarde droit dans les yeux CHEREQUE assis dans la même position. Je ressens le poids du Pouvoir personnalisé par le Premier Ministre, le visage impénétrable complètement engagé vers son interlocuteur. Je ressens la force, la puissance de la CFDT, incarnée par cette carrure de rugbyman qu’était François, totalement investi dans le combat social. « Monsieur le Secrétaire Général vous dites être prêt à reprendre la négociation, puis je vous faire confiance ? « . Réponse du tac au tac : « Monsieur le Premier Ministre puis je vous faire confiance ? ». Je me faisais tout petit sur ma chaise, en léger retrait derrière François, je ressentais combien ces propos étaient violents, nécessaires mais violents. « Monsieur le Secrétaire Général, si nous arrivons à un compromis, tiendrez-vous votre parole devant l’ampleur des manifestations ? ». « Monsieur le Premier Ministre, si nous arrivons à ce compromis, tiendrez-vous votre majorité de députés qui voudront le détricoter ? ». Voilà comment a commencé la négociation, en se mettant clairement d’accord sur les règles du jeu. Ceux qui pensent que la négociation n’est pas un rapport de force, ne connaissent rien de la négociation CFDT. Pour CHEREQUE, la négociation était le résultat naturel d’un rapport de force qu’incarne le syndicalisme CFDT. Tout sauf un bisounours, le CHEREQUE adepte de la « baffothérapie ».

Je me souviens ainsi, quelques mois plus tard, de l’explication de gravure que nous avons eu à la CGT. Cela se passe à Montreuil, François est venu avec tout l’état-major de la CFDT. La CGT, qui avait insulté la CFDT reçoit une avoinée comme j’en ai rarement vue. François, pendant 20 minutes fustige les comportements, les propos parfois injurieux tenus par les dirigeants cégétistes. Quand Bernard THIBAULT, sonné, prend la parole, François s’emporte en montrant du doigt le badge vert représentant une carte vitale que nos interlocuteurs portaient fièrement à l’encolure « Vous n’avez pas honte de défendre maintenant la carte vitale que vous avez refusée comme toute évolution de l’assurance maladie ! ». Voilà comment François CHEREQUE se faisait respecté.

Aujourd’hui la CFDT est en deuil mais elle ne doit pas oublier combien F CHEREQUE a incarné le syndicalisme réformiste, le syndicalisme de terrain, le syndicalisme majoritaire, le syndicalisme d’adhérents lui qui avait rêvé d’une CFDT avec un million d’adhérents.

Et comment ne pas le redire en ce jour bien triste, si depuis 2003 un million de salariés qui ont travaillé tôt ont pu partir plus tôt en retraite, c’est bien grâce à la CFDT incarné notamment par François CHEREQUE.

Adieu camarade.

27/12/2016

Le grand chamboule tout

Nous vivons une période formidable, tout serait possible. Avec un bulletin de vote, un tweet, une vidéo youtube, on peut tout chambouler. Au jeu de massacre, comme à la fête foraine, le peuple s’en donne à cœur joie.

Exit SARKOZY, même pas lucide de la détestation qu’il suscitait. Exit HOLLANDE lucide de l’état d’éclatement d’une opinion ingouvernable.

Ailleurs ce n’est pas mieux, exit l’héritage OBAMA, exit Matteo RENZI, exit la Grande Bretagne de l’Europe…
Si l’alternance est indissociable de la démocratie, rien ne nous interdit d’interroger les qualités de nos démocraties.
A jouer des coups politiques dans l’immédiateté des évènements-émotions, nous prenons comme un boomerang le bâton des dures réalités qui adorent, elles, le temps long. Quand je négociais des réformes, je demandais des études pour mesurer les conséquences, les effets de comportement à venir qu’induisaient les mesures de la réforme ; et à chaque fois on n’avait pas le temps, il fallait décider toujours dans l’urgence. Il fallait plaire à l’opinion, cette même opinion qui aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et l’info en direct, massacre tout.
A ce jeu du chamboule tout, la meilleure technique est celle du bashing. Et là, il n’existe plus de limites, plus c’est gros et mieux ça marche. La loi EL KOMRI en a été un exemple, tout était mauvais et à jeter ! La CFDT qui avait un avis partagé sur le texte n’a jamais pu trouver le moyen de faire connaitre sa position nuancée. Dès le début, elle a été étiquetée comme inconditionnelle de la loi. Seuls les opposants ont monopolisé les médias. Avec le bashing, il faut être totalement contre, il n’y a plus de place pour le moindre recul.
Le complotisme, cette nouvelle habitude de considérer, à priori, toute information comme une manipulation, un mensonge monté de toute pièce, dévaste notre démocratie. Les rumeurs les plus abjectes inondent les réseaux sociaux, la plupart des élus raisonnables en sont victimes. La défiance supplante la confiance. La pire des choses serait de considérer ces nouveaux phénomènes de société comme une fatalité. Je ressens une démission collective pour combattre ces effets dévastateurs pour la démocratie.

Quand on a tout chamboulé, massacré, que reste-il ?

Alors, comment faire de la politique, du syndicalisme, responsable dans ces conditions ? La solution passe par l’engagement de chacun de nous, le pire serait de démissionner ou d’alimenter, nous aussi, le chamboule tout. N’ayons pas peur, rien n’est écrit d’avance, le pire est possible mais nous pouvons l’éviter. Soyons militants. Engageons-nous.

01:23 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syndicalisme