140247

22/09/2010

Le syndicalisme de services

Le Centre d’Analyse Stratégique propose une analyse sur « Le syndicalisme de services ». Une piste pour un renouveau des relations sociales ?

Je vous propose ici un résumé. J’ai toujours été partisan de joindre à l’action purement militante du syndicalisme, une action axée sur le service de solidarité propre aux valeurs syndicales.


Le syndicalisme de services, en France, connaît un développement récent, plus ou moins assumé, sans doute lié au nouveau contexte issu de la réforme de la représentativité en 2008, en relation avec la lutte contre la désyndicalisation. Ce type de syndicalisme est souvent considéré comme un moyen de revitaliser la relation syndicale : d’une part en favorisant la syndicalisation – et donc les ressources qui permettraient aux syndicats de mieux s’engager dans le dialogue social – et d’autre part en assurant une plus grande convergence entre les intérêts des salariés et l’action de ceux qui les représentent.

Le « modèle » nordique ou de Gand, régulièrement évoqué et mis en exergue, incarnerait un syndicalisme de services responsable et répondant aux aspirations des salariés, alors que le syndicalisme hexagonal favoriserait un syndicalisme de militants voire idéologique, plus éloigné des préoccupations de la plupart des salariés.

Un tour d’horizon international montre pourtant que le syndicalisme de services constitue un label qui présente de multiples facettes, au-delà du seul « modèle » nordique. Une approche historique permet, a contrario, de rappeler que le syndicalisme de services n’est pas étranger aux préoccupations françaises.

Ces éléments de réflexion permettent d’avancer quelques pistes dont pourraient se saisir les organisations syndicales, afin d’approfondir la construction d’un modèle français déjà en gestation et d’aller vers un « syndicalisme à bases multiples ».


Vers un « syndicalisme à bases multiples» : trois propositions


L'analyse qui précède, en permettant notamment de démystifier le « modèle nordique », amène naturellement à formuler une première préconisation générale, qui consiste à s'affranchir de la référence à ce "modèle nordique" dans les débats actuels.

D'une part, la relation apparemment forte entre un fort taux de syndicalisation et la distribution de services, dont l’assurance chômage serait le pivot, reste pourtant fragile (comme l’illustrent les réformes en cours en Suède depuis 2007). D'autre part, au-delà de ses fragilités et de ses effets ambigus, ce modèle n’est très probablement pas adaptable en France (du fait de l'existence du régime d’assurance chômage géré
paritairement mais sans conditionnement des droits à une adhésion syndicale).

Il s'agit donc plutôt, pour les organisations syndicales françaises, de chercher à approfondir la construction d'un modèle français déjà en gestation. Il appartient bien sûr à chacune d'entre elles de bâtir son propre équilibre entre le développement de services aux adhérents et l'exercice des fonctions traditionnelles de revendication et négociation. Toutefois, sont ici proposés trois principes directeurs dont pourraient se
saisir les organisations syndicales pour guider leurs réflexions dans l'élaboration d'un « syndicalisme à bases multiples ».

Proposition n°1 : Ne pas se limiter, si les organisations syndicales investissent de nouveaux domaines d'action, au seul champ professionnel (en proposant des services répondant aux préoccupations concrètes des salariés, comparables à ceux rendus par les comités d’entreprise par exemple).

Si l’on pense que le développement de la syndicalisation en France peut passer par l’approfondissement d’un syndicalisme de services « à la française », les organisations syndicales doivent alors investir de nouveaux domaines d’action. Certes, les services les plus attractifs pour les salariés sont ceux directement liés au travail et c’est dans ce domaine que les syndicats ont une compétence plus évidente.

Toutefois, dans la mesure dans la mesure où les salariés sont, davantage que par le passé, affectés par des changements technologiques, des mobilités imposées, des périodes d’inactivité, il semble important que les organisations syndicales tendent à offrir un encadrement de la vie sociale dépassant (mais sans l’oublier) la seule dimension professionnelle. Ce syndicalisme à bases multiples peut ainsi constituer une piste de développement de la démocratie sociale, sans doute à la condition d’éviter deux écueils : le premier résidant dans des formes de bureaucratisation des organisations syndicales tenues par leur concours à la distribution de services, le second consistant dans la transformation des organisations en prestataires de services de politiques ou de réformes qu’ils auraient initialement combattues.


Que ce soit dans le champ professionnel ou au-delà, l’offre de services syndicaux gagnera à se positionner en réponse aux problématiques concrètes des salariés (et de toutes les catégories de salariés), non seulement pour développer la syndicalisation mais aussi pour valoriser l'action des syndicats.

Trois axes peuvent être mentionnés :

- Le premier consiste à prendre en charge, de la façon la plus optimale, la défense juridique des salariés : des organisations considèrent non seulement que c’est la première demande des salariés, mais elles commencent à mettre en place des structures professionnalisées comprenant des avocats qui pourraient prendre en charge ces questions de la façon la plus pertinente.
- Le second renvoie aux associations de consommateurs que les syndicats ont créées : elles paraissent peu ou mal fonctionner alors que leur impact potentiel sur les salariés pourrait être plus important.
- Le dernier axe consiste, à l’exemple de l’Italie, d’apparaître comme les représentants des salariés précaires, par la mise en place d’un maillage territorial de proximité permettant de délivrer toutes les informations nécessaires et de suivre ce dossier au plus près des bassins d’emplois.


Proposition n°2 : Mutualiser les moyens des organisations syndicales pour rendre directement certains services spécifiques.


Il appartient aux syndicats de proposer le meilleur service possible à leurs adhérents, cette offre de services étant portée par les organisations syndicales elles-mêmes. Les syndicats conservent ainsi la main sur les offres à destination des adhérents et sont en mesure de leur proposer des services spécifiques nouveaux, différents de services que les salariés pourraient trouver ailleurs.

Toutefois, offrir de nouveaux services peut nécessiter un effort financier important. Ainsi, dans certains cas, la mutualisation des moyens pour offrir le meilleur service aux salariés constituerait une piste de réflexion utile, plaçant les syndicats au contact des salariés et sans concurrence entre eux. Cette orientation servirait sans doute une resyndicalisation globale, à laquelle l’ensemble des organisations aurait intérêt.

À côté de cette option, certaines organisations syndicales évoquent également des partenariats possibles avec d’autres acteurs, notamment associatifs, en fonction des sujets.
En revanche, il n’apparaît pas souhaitable d’aller jusqu’à la création d’organismes paritaires nouveaux.

Proposition n°3 : S’appuyer sur la participation à la gestion d’organismes paritaires ou tripartis pour s’impliquer davantage dans l’élaboration des dispositifs collectifs d’accompagnement des parcours professionnels.



Les organisations syndicales gèrent paritairement ou participent à la gestion de plusieurs organismes délivrant des services aux salariés ou demandeurs d’emploi. Elles gèrent avec les organisations patronales les fonds de la formation professionnelle continue, mais dans le cadre d’une contractualisation avec l’Etat (FPSPP-Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et OPCA). Elles gèrent également de façon paritaire le régime d’assurance chômage, même si la mise en oeuvre des règles définies est concrètement du ressort de Pôle emploi. Enfin, elles disposent d’une place de choix dans la gouvernance de Pôle Emploi.
Les organisations syndicales disposent ainsi de leviers importants pour participer à l’élaboration des offres de service dans le domaine de la sécurisation des parcours professionnels et être davantage visibles par ce biais. Elles pourraient également contribuer à l’articulation entre les interventions de ces opérateurs et les services individuels qu’elles auraient mis en place.

A titre d’exemple, les OPCA pourraient ainsi offrir davantage de services d’aide aux salariés dans l’élaboration de leur projet de formation.
Le maintien d’une approche collective (à double titre : gestion paritaire et services rendus sans conditionnement à une adhésion syndical) est complémentaire au développement de services « personnalisés » ou « individualisés » rendus aux adhérents par chaque syndicat.



http://www.strategie.gouv.fr/

Les commentaires sont fermés.