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13/06/2013

La combativité syndicale

La combativité est une qualité, elle n’est pas l’apanage des militants syndicaux, et, heureusement ! La combativité du malade, la combativité du sportif… la combativité est inhérente à la vie. La vie n'est qu'un combat à renouveler chaque jour.

Pourquoi alors, ce thème de la combativité, divise le syndicalisme ?


La réponse est historique. Toutes les familles syndicales se disent combatives, et c’est vrai. Mais il y a 2 grandes conceptions de la combativité syndicale, que les chercheurs réduisent trop couramment au syndicalisme révolutionnaire et réformiste. Par exemple, la CGT et SUD se revendiquent du syndicalisme révolutionnaire mais qui a t-il de semblable entre la combativité de SUD qui dit que le travailleur a toujours raison et celle de la CGT qui décide, dans ses instances, quelle est la bonne et la mauvaise combativité des salariés.

Je veux ici, essayer d’expliquer la conception CFDT de la compétitivité. Laurent Berger considère que "la vraie combativité, c'est d'être force de propositions et d'apporter des résultats concrets aux salariés" (cfdt magazine mai 2013).

L’un des plus grands théoriciens de la conception du rapport de force syndical, Albert Mercier, considérait que le seul rapport de force qui vaille était celui qui visait l’obtention d’un résultat améliorant la condition salariale. Il différenciait ainsi les manifestations de protestation, de témoignages, d’indignation, … et celles visant l’obtention d’objectifs quantifiables et qualifiables. C’est la conception du syndicalisme de propositions à l’opposé du syndicalisme de contestation (même si certains tentent d’expliquer que les 2 ne sont pas incompatibles).

J’ai toujours défendu la conception de la combativité exprimée par Edmond Maire, Nicole Notat et aujourd’hui par Laurent Berger. On ne combat pas pour le combat ou dit autrement, on n’est pas pour l’action pour l’action.

Le syndicalisme réformiste sait contre qu'il se bat mais le plus important est de savoir pour quel résultat il se bat. Son combat est orienté vers le décideur qui est légitime pour lui donner satisfaction.
Ainsi, contester sans proposer c’est se limiter à exprimer son indignation. La capacité d’indignation, si chère à Jean Kaspar est évidemment estimable, Stephen Hessel en a même fait l’apologie. Mais le syndicalisme réformiste, c’est celui qui veut « donner forme à la Société » comme dit Pierre Rosanvallon, pour cela il faut savoir pourquoi l’on se bat et savoir précisément ce que l’on veut obtenir.
Etre contre c’est une réaction primaire, être contre mais exprimer une solution alternative, c’est une réaction plus réfléchie, certainement plus responsable.

Mais alors, pourquoi est ce plus difficile d’être pour que d’être contre ? Parce que pour les médias, il est plus facile de comprendre celui qui refuse une situation sans rien proposer, il faut par ailleurs prendre le temps d’écouter et de comprendre l’analyse et les réponses souvent complexes exprimées par celui qui propose une situation améliorée. En effet, le syndicaliste réformiste est celui qui dit pourquoi une situation est insatisfaisante et pourquoi ce qu’il propose rendra la situation plus satisfaisante. C’est évidemment plus compliqué, plus exigeant. Les employeurs n’apprécient pas plus que ça le syndicalisme de propositions car – quoiqu’ils en disent- ils n’aiment pas que l’on vienne les contredire et s’immiscer dans ce qu’ils considèrent relevant de leur seule responsabilité de décideur.

C’est moins people, comme m’a dit un jour Jacques Rigaudiat, le conseiller social de Lionel Jospin, au sujet de la réforme des retraites que je lui proposais pour la CFDT et au bout Jospin n'a jamais réformer les retraites !

La combativité du syndicalisme de propositions est liée à sa capacité de négociation. Ceux qui parlent de négociation à froid sont des ignorants de la négociation, car obtenir une négociation c'est déjà le résultat d'un rapport de force. Négociateur national de la CFDT, j'étais fort de ce que je représentais, les électeurs et militants de la CFDT et la qualité du mandat qui m'avait été donné. Il n'est pas obligatoire d'organiser une grève ou une manifestation pour bien négocier.

Enfin, le syndicalisme de négociation ne prône pas la négociation pour la négociation. Par exemple, la CFDT considère que les conditions ne sont pas remplies, en 2013, pour négocier le sujet des retraites. De même, affirmer que "la CFDT signe tout", c'est méconnaître les réalités et les exigences fixées aux négociateurs.

J'ai toujours considéré que ce syndicalisme là était bien plus exigeant que celui de la contestation pure et simple.

01:14 Publié dans syndicats | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : combativité

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