140247

26/08/2010

C'est en faisant travailler ses méninges dans un travail épanouissant que l'on reste jeunes

Voici un résumé succinct d'une note du centre d'analyse stratégique sur le vieillissement cognitif (note de veille n°179 juin 2010).


Le vieillissement biologique fait l'objet depuis plusieurs décennies de recherches scientifiques poussées.


Si l’intégralité des facultés intellectuelles est affectée lors du processus naturel de vieillissement, elles ne le sont pas toutes de façon équivalente. En outre, les individus ne sont pas atteints de la même manière et au même rythme.

Plutôt que de vieillissement, le biologiste parle de sénescence pour décrire « l’ensemble des phénomènes naturels non morbides, propres au sujet âgé. Il s’agit essentiellement d’altérations régressives, d’intensité variable, touchant la plupart des tissus et des organes »1. Ce phénomène inéluctable est inégal d’un individu à l’autre car il est la résultante du patrimoine génétique et du parcours de vie.

Il semblerait que plus la tâche est complexe, plus elle demande vitesse et flexibilité, plus la différence observée
entre les groupes d’âge est importante, et ce dès la cinquantaine. Avec du temps et dans un environnement calme, la plupart des seniors en bonne santé peuvent alors rattraper voire égaler les performances des plus jeunes aux tests cognitifs basiques. Les atteintes cognitives sous l’effet des années ne sont donc pas immuables.

D’autres données positives sont issues d’expérimentations en cognition sociale, qui étudie les habilités en jeu lors des interactions sociales, à l’image de la gestion de conflits, de la prise de risque mesurée ou de la « sagesse »5 . Bien que les recherches en la matière demeurent rares, les résultats disponibles tendent à montrer une préservation voire une amélioration avec l’âge6. Ils donnent donc consistance à la croyance populaire qui oppose à la fougue instinctive des plus jeunes la réflexion posée des aînés, du fait de l’expérience accumulée au fil du temps. Comme le concluent Patrick Lemaire et Delphine Gandini, « à travers les expériences de vie, […] la capacité à ne pas se laisser dominer par une émotion trop forte, à lui donner un sens dans le parcours de vie et à ne pas interférer négativement dans les relations à autrui est nettement meilleure chez les personnes âgées »7. Cependant, le repli sur soi souvent constaté avec l’avancée dans le grand âge pourrait limiter l’expression de ces habilités.

Comme tous les organes, le cerveau subit des modifications physiques et chimiques au fil des années, généralement à partir de la cinquantaine et à un rythme plus rapide après 70 ans.

À cette sénescence cérébrale viennent s’additionner et interagir des facteurs psychosociaux au fort
retentissement cognitif. Dès l’enfance, l’influence précoce de la scolarisation permet de développer une « réserve cognitive » plus importante mais également de la maintenir plus longtemps.


L’accumulation de connaissances et d’expériences au cours de la scolarité, mais également la
stimulation cérébrale et le développement de stratégies compensatrices, y contribueraient. De plus,
l’impact de l’éducation sur les modes de vie ultérieurs est non négligeable (profession exercée,
alimentation, activités sociales, physiques, etc.). In fine, les personnes ayant un niveau socioculturel
élevé vont voir leurs capacités intellectuelles décliner plus tardivement et plus lentement que les autres, ce qui accroît les différences pendant un temps, puis diminuer de manière plus brutale sur les dernières années de vie.


Tout ne se joue cependant pas sur les bancs de l’école. Il est nécessaire de continuer à développer sa réserve cognitive à chaque période de la vie, au gré des activités quotidiennes, et particulièrement lors de l’entrée dans la soixantaine.

En effet, le vieillissement se combine alors avec le départ à la retraite, association qui peut donner lieu à un sentiment de perte de statut social et de dévalorisation. Une diminution importante du réseau social est généralement observée. Dans le grand âge, l’isolement est à la fois subi (veuvage, diminution des occasions de sortie, déclin des capacités physiques et sensorielles) et volontaire (repli sur soi).

Plus que l’âge chronologique, c’est la qualité de l’intégration sociale et les capacités adaptatives des
individus qui semblent déterminantes. Les différents facteurs évoqués vont interagir et entamer la valeur que se donne la personne. En effet, l’estime de soi résulte de processus divers et interactifs qui sollicitent à la fois les performances comportementales, la comparaison avec autrui, l’attribution des causes de ses échecs et réussites. La perte de confiance détériore inévitablement les capacités cognitives et, dans un cercle vicieux, la prise de conscience du déclin cérébral entame l’estime de soi.


Le travail : facteur de préservation ou d’usure cognitives ?

La vie professionnelle en tant que source potentielle de tâches cognitives, d’interactions sociales mais
aussi de pénibilité, peut être facteur de préservation comme d’usures cognitives.
L’enquête européenne SHARE révèle que garder une activité professionnelle permet de différer le vieillissement cognitif d’environ 1,3 année14. Par ailleurs, l’analyse par pays montre que les personnes âgées voient leurs capacités intellectuelles mieux préservées dans les pays où la retraite est fixée à 65 ans par rapport à ceux où elle est plus précoce.

Cependant, il convient de nuancer ce premier résultat global : l’effet de la fin de la vie active sur le
déclin cognitif dépend à la fois du contenu du travail et de ses conditions d’exercice. Des données
suggèrent ainsi que l’impact positif de rester en emploi n’est présent que pour les métiers complexes
nécessitant de la flexibilité cognitive. Deux propriétés des environnements de travail sont identifiées
comme favorables à une préservation cognitive dans l’âge : « la première est l’effort cognitif, c’est-à-dire la sollicitation élevée des capacités intellectuelles : c’est la dimension intensive. La deuxième est le sentiment que ces efforts sont récompensés par des bénéfices à la fois cognitifs (création de nouvelles ressources) et motivationnels (expérience gratifiante donnant envie d’aller plus loin) : c’est la dimension créatrice ».

Parallèlement, les personnes exerçant des professions mobilisant moins les facultés intellectuelles ne
semblent pas bénéficier au niveau cognitif du maintien dans l’emploi, au contraire.

L’étude VISAT (Vieillissement, Santé, Travail) souligne par exemple les effets négatifs de l’exposition à un stress prolongé et à des horaires atypiques sur les capacités mnésiques, à l’instar du travail de nuit qui désynchronise les rythmes biologiques et qui est particulièrement mal supporté par les travailleurs âgés.

Des études ont ainsi montré que le fait d’exercer un travail posté perturbait les fonctions cognitives avec des atteintes dont l’ampleur dépendait de la durée d’exposition, et qui étaient potentiellement
réversibles.

Par ailleurs, le sentiment de ne pas s’épanouir dans son travail, de ne pas être capable de remplir ses
fonctions, de consentir des efforts stériles, conduirait souvent à une baisse de la motivation, de la confiance en soi et in fine des compétences cognitives.

Seniors, travail et formation : créer des environnements capacitants


L’hypothèse d’une diminution de la productivité avec l’âge, ou tout du moins celle d’un décrochage
entre le salaire et la productivité, sont souvent invoquées pour expliquer la faible employabilité des
seniors. Les études à l’appui de ces théories reposent sur une évaluation de la productivité individuelle par les supérieurs, par des tests psychométriques, ou enfin à partir d’enquêtes de « production à la pièce ».

Elles concluent dans leur majorité à une relation en U inversé, c’est-à-dire où la productivité croît jusqu’à un certain âge, se stabilise, puis décline à partir de la cinquantaine. Cependant, l’estimation de la contribution de groupes de salariés définis par classe d’âge aux performances économiques de l’entreprise conduit à des résultats plus nuancés avec une croissance du profil de productivité jusque vers 40 ans, puis un maintien au-delà.

La divergence de ces données reflète l’accroissement avec l’âge de la variabilité interindividuelle en matière de performances cognitives. Certains seniors vont ainsi valoriser l’expérience et les connaissances accumulées en développant leurs capacités de réorganisations adaptatives. Ces travailleurs savent tenir compte des faiblesses qui les atteignent au fil des ans et les compensent dans la pratique, soit individuellement, soit dans l’organisation collective de leur travail. Il est désormais admis que les performances sont largement fonction des conditions de travail, certaines situations engendrant davantage de difficultés pour les plus âgés (horaires décalés, postures pénibles, etc.).

Selon l’étude VISAT, les situations de travail intellectuellement stimulantes sont celles où l’on sort le
moins précocement de l’emploi. Ainsi, les personnes âgées de 52 ans qui déclarent apprendre de
nouvelles choses grâce à leur travail, sont trois fois plus nombreuses que les autres à s’estimer aptes à rester en emploi jusqu’à la retraite. Par ailleurs, lorsque les personnes s’en jugent incapables, elles
présentent un risque près de deux fois et demie supérieur de se trouver en arrêt maladie ou au chômage cinq ans plus tard, et une probabilité 30 % plus élevée d’être à la retraite ou en préretraite au bout de la même période.

05:24 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vieillissement

Les commentaires sont fermés.