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18/10/2012

LE RETOURNEMENT DEMOGRAPHIQUE, UN ENJEU OUBLIE FACE A LA CRISE ? (1)

Par Bernard Quintreau (membre honoraire du Conseil Economique, Social et Environnemental)


Je vais pendant 3 jours, offrir les pages de ce blog à mon ami Bernard Quintreau qui a été le pionnier de la réflexion sur l’emploi des seniors.
Rédacteur de nombreux rapports et articles sur le sujet, Bernard nous alerte sur l’enjeu démographique qu’il considère à juste titre oublié dans la période.


Voilà plus de dix ans que trois instances consultatives importantes de la République alertaient le gouvernement et le monde économique et social sur les perspectives du retournement démographique, marqué par une diminution progressive des entrées sur le marché du travail et un vieillissement de la population active. A quelques semaines d’intervalle, le Conseil Economique et Social , le Conseil d’Orientation des retraites et le Commissariat Général au Plan mettaient l’accent sur les risques d’un maintien des départs anticipés et sur la nécessité de mettre en place une politique de gestion des âges, à l’exemple d’un certain nombre de pays européens.


En 2002, les grandes lignes d’un plan d’action étaient présentées au Ministère de l’emploi et de la solidarité . La loi portant réforme des retraites en 2003, l’accord national interprofessionnel sur l’emploi des seniors en 2005 puis le Plan national d’action concertée en 2006 ont donné à la fois des orientations précises et ont apporté un panel de mesures permettant d’inverser les pratiques calamiteuses de gestion de l’emploi par les âges.

Ces mesures, celles qui ont suivi, comme la volonté marquée des partenaires sociaux au niveau national, n’ont pas eu les résultats escomptés. Nous savions que mettre fin à cette évolution dramatique pour notre société et notre économie demanderait du temps, même sans la réalité douloureuse d'un chômage de masse, mais nous avons maintenant et plus que jamais quelques raisons de nous alerter :

-le taux d’emploi des seniors, comme des jeunes,
reste l’un des plus faibles d’Europe,
-les entreprises qui envisagent de recruter, et a fortiori des personnes de plus de 50 ans, sont de moins en moins nombreuses,
-la culture des départs anticipés est encore largement présente chez les salariés,
-les plans sociaux,nombreux, continuent de « privilégier » les salariés dits âgés, au risque de se priver de compétences précieuses et de remettre sur le marché du travail des seniors sans espoir de réembauche.


Jusqu'à présent, la gestion des âges a été abordée essentiellement à partir des questions de pénibilité et d'âge de départ en retraite.
Or, aborder cette thématique dans l’entreprise au travers ces seules questions est beaucoup trop réducteur, et ne met l’accent que sur la fin de carrière, alors que cela concerne tous les âges. C’est le taux d’emploi global qu’il faut élever. Même si cet objectif paraît aujourd'hui difficile, il s’agit bien à terme de développer le plein emploi de qualité, conformément aux objectifs européens. Cela signifie créer suffisamment d’emplois pour répondre à la demande, et développer des formes de travail qui permettent à chacun, et à chaque âge, de conduire au mieux son parcours professionnel.


Il importait de faire ce point avant d’aborder les enjeux liés au retournement démographique. Ces modifications ne remettent pas en cause les trois évolutions que nous devons prendre en compte pour engager des politiques de gestion des âges :

-déséquilibre croissant entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités ( 1,4 actifs pour un inactif en 2050 contre 2,2 pour 1 en 2005),
-remplacement nécessaire des départs massifs en retraite (environ 700 000),
-augmentation de la moyenne d’âge de la population active.

Ces éléments peuvent être estimés par métiers, entreprises, branches, territoires. Il est donc possible d’anticiper, de prévoir ces évolutions. Le renouvellement des salariés ne se limite cependant pas à une opération mathématique, il impose une mise à plat des compétences, de celles qui partent comme de celles qui devraient arriver et souvent une réorganisation de l’ensemble des services. Quant au vieillissement des salariés, il devrait entraîner une modification importante des conditions comme de l’organisation du travail.

De fait, nous avons aujourd’hui à gérer trois types de transitions:
-une transition démographique, qui nous fera passer d’une abondance de main-d’œuvre disponible permettant aux entreprises de rajeunir leur pyramides des âges, et au marché du travail de jouer sur les curseurs des âges, à une situation plus tendue dans bon nombre de secteurs, et cela malgré la crise ;
-une transition culturelle, qui permettrait d’en finir avec une culture des départs anticipés et une stigmatisation des seniors ;
-une transition individuelle, pour beaucoup de salariés, entre l’emploi, que l’on va quitter plus tard que prévu, et la retraite…

Quatre problèmes, au moins, n’ont pas été, ou mal, pris en compte lors de ces dernières années d’abondance démographique liées au baby boom.
Nous devons maintenant les résoudre rapidement .
Il s’agit de l’insertion des jeunes, des conditions de travail liées au vieillissement, la formation et des relations intergénérationnelles.

Nous les aborderons dans le prochain article.

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