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09/08/2010

Une génération sacrifiée ?

Je vous propose cette tribune parue dans Libé du 15 juin 2010.

Je vous recommande par ailleurs la lecture des livres de Louis CHAUVEL.

Je partage la totalité de son analyse.


«L'année de naissance idéale est 1948»

Louis Chauvel, sociologue des générations, confirme la position particulière des baby-boomers :

Professeur à Sciences-Po Paris, Louis Chauvel est un spécialiste de la sociologie des générations, auteur notamment du Destin des générations (PUF, 2002) et dE Classes moyennes à la dérive (Seuil, 2006).

La génération des baby-boomers est-elle plus privilégiée que les précédentes et que l'actuelle?
La génération des très jeunes retraités et celle qui sera à la retraite dans les cinq ans est très particulière. Ces «premiers-nés du baby-boom» nés de 1945 à 1955 se distinguent tant de leurs aînés que de leurs cadets. Chances de mobilité sociale ascendante, niveau de revenus, déclin des taux de pauvreté, croissance scolaire sans inflation des diplômes, accès à la propriété, à la culture, départs en vacances... Quel que soit l'aspect analysé, cette génération qui a eu une vingtaine d'années autour de 1968 domine les autres d'un point de vue matériel, culturel et politique. Dans cette génération, les pauvres sont moins pauvres, et les riches plus aisés, mieux portants.

Pourquoi?

L'année de naissance idéale est 1948. Avoir 20 ans en 1968 permet de bénéficier du boom économique et d'une revalorisation considérable du statut de la jeunesse. A dix années de distance, leur destin eût été différent. Né trop tôt, vous alliez vingt-quatre mois dans les Aurès, pour revenir avec des salaires de misère dans une société de croissance mal partagée. Né trop tard, vous aviez le chômage comme rite de passage dans la vie adulte. Comparés aux autres, les jeunes seniors d'aujourd'hui ont travaillé tôt, avec de bons salaires qui ont payé avec l'inflation leur logement acheté à bon prix (à Paris, une année de salaire de 1984 permet d'acheter 9 m², contre 4 m² maintenant). Les suivants ont les miettes d'un festin qui s'est terminé avant eux. En revanche, nous savons que les jeunes seniors de 2020, nés autour de 1960, seront les victimes du changement social. C'est écrit.

Est-ce le fruit de l'histoire ou d'un comportement égoïste de cette génération (concentration des postes de pouvoir, des revenus, solidarité générationnelle...) ?

La vérité est plus subtile. Voilà dix ans, il était encore possible de dire «On ne savait pas». On ne faisait que découvrir la fracture générationnelle. Dix ans après, il faut constater que la société française n'a rien fait pour sa jeunesse, variable d'ajustement des réformes ratées de droite et de gauche. L'autopsie de la réforme du CPE en est un exemple : si les termes du CPE étaient à pleurer, la sortie de crise une fois la loi retirée a signifié pour les jeunes un abandon, la dérive misérable de l'université low-cost, les faibles salaires, la crise du logement. Du jour au lendemain, les syndicats qui étaient derrière les jeunes les ont délaissés. Encore aujourd'hui, les éléments fragiles en France sont la jeunesse et les travailleurs, mais tout le mouvement social se concentre sur la défense des retraites.

Comment mettre davantage à contribution les actuels retraités?

Les réformes des retraites appauvriront encore les jeunes retraités de 2020 alors que ce sont les jeunes retraités aisés d'aujourd'hui qui sont exceptionnels.

La solution est l'alignement des taux de CSG et la suppression de l'abattement fiscal de 10% pour «frais professionnels» obtenus voilà quinze ans par les retraités. Mais cela ne suffira pas. Un autre enjeu est la dépendance du quatrième âge : si les travailleurs cotisent pour les retraités, il est légitime que les retraités cotisent pour la dépendance. Enfin, la réduction du bouclier fiscal - qui avantage le patrimoine relativement aux revenus d'activité - est une réforme centrale.

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