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18/12/2017

La petite Pisa habite près de chez moi.


Quand elle est passée en CM2, elle savait lire mais ne comprenait pas ce qu’elle avait lu, à contrario quand je lui lisais un texte elle savait me le résumer à la perfection. Elle sait lire l’énoncé d’un problème mais ne comprend pas la question. Elle me récite ses leçons mais ne comprend pas la question lors de l’interrogation écrite. La prof le sait, mais elle continue à ne rien changer à sa pédagogie. Elle est maintenant au collège et ça ne s’arrange pas. Depuis la maternelle elle est « suivie » par des orthophonistes comme tant d’autres, aujourd’hui encore elle « consulte » et passe des tests d’évaluation. Mais si le problème était Pisa ça se saurait, nous verrions quelques améliorations et on ne parlerait pas autant des autres petites Pisa dont le nombre progresse chaque année.

Le mois dernier, après un week-end de bagnard où elle n’a fait que des devoirs et appris des leçons, elle était capable de réciter la révision SVT sur laquelle elle avait une évaluation le lundi. « J’ai eu zéro » me dit-elle. Comment ça ? « Alors que les autres ont travaillé en groupe de deux, j’étais toute seule au fond de la classe, je n’ai pas compris ce qu’il fallait faire ». La prof, interrogée par les parents, a eu cette réponse affligeante : « avec un nombre d’élèves impair c’était impossible de faire autrement » ; un groupe de trois ? « ce n’est pas possible ». Et pourquoi c’est toujours Pisa qui est seule au bout de la classe « parce qu’il en faut bien un » « je ne peux pas handicaper les plus forts ». Voilà ce qu’est la vie scolaire de la petite Pisa.

Alors ? Bien sûr que ce n’est pas normal surtout quand l’école peut faire mieux. Ainsi le CESER avait travaillé sur quatre écoles publiques installées en milieux très difficiles où les taux de chômage étaient vertigineux, dans ces écoles les évaluations en fin de CM1 étaient très bonnes. La recette de l’école de la réussite, nous la connaissons : une directrice motivée et respectée qui s’occupe de la pédagogie et oblige à travailler en équipe sur un projet pédagogique formalisé, une « continuité » des apprentissages (les élèves gardent le même cahier lors des passages de classe), un rapport bienveillant avec les élèves et les parents, peu de devoirs à la maison. Le Recteur de l’époque avait dit « ce rapport sera notre outil de travail » …

Cette semaine nous apprenions que notre académie était en bas de tableau sur le décrochage scolaire, comment s’en étonner tant que les professionnels de l’école ne se remettront pas en cause.

27/12/2016

Le grand chamboule tout

Nous vivons une période formidable, tout serait possible. Avec un bulletin de vote, un tweet, une vidéo youtube, on peut tout chambouler. Au jeu de massacre, comme à la fête foraine, le peuple s’en donne à cœur joie.

Exit SARKOZY, même pas lucide de la détestation qu’il suscitait. Exit HOLLANDE lucide de l’état d’éclatement d’une opinion ingouvernable.

Ailleurs ce n’est pas mieux, exit l’héritage OBAMA, exit Matteo RENZI, exit la Grande Bretagne de l’Europe…
Si l’alternance est indissociable de la démocratie, rien ne nous interdit d’interroger les qualités de nos démocraties.
A jouer des coups politiques dans l’immédiateté des évènements-émotions, nous prenons comme un boomerang le bâton des dures réalités qui adorent, elles, le temps long. Quand je négociais des réformes, je demandais des études pour mesurer les conséquences, les effets de comportement à venir qu’induisaient les mesures de la réforme ; et à chaque fois on n’avait pas le temps, il fallait décider toujours dans l’urgence. Il fallait plaire à l’opinion, cette même opinion qui aujourd’hui, avec les réseaux sociaux et l’info en direct, massacre tout.
A ce jeu du chamboule tout, la meilleure technique est celle du bashing. Et là, il n’existe plus de limites, plus c’est gros et mieux ça marche. La loi EL KOMRI en a été un exemple, tout était mauvais et à jeter ! La CFDT qui avait un avis partagé sur le texte n’a jamais pu trouver le moyen de faire connaitre sa position nuancée. Dès le début, elle a été étiquetée comme inconditionnelle de la loi. Seuls les opposants ont monopolisé les médias. Avec le bashing, il faut être totalement contre, il n’y a plus de place pour le moindre recul.
Le complotisme, cette nouvelle habitude de considérer, à priori, toute information comme une manipulation, un mensonge monté de toute pièce, dévaste notre démocratie. Les rumeurs les plus abjectes inondent les réseaux sociaux, la plupart des élus raisonnables en sont victimes. La défiance supplante la confiance. La pire des choses serait de considérer ces nouveaux phénomènes de société comme une fatalité. Je ressens une démission collective pour combattre ces effets dévastateurs pour la démocratie.

Quand on a tout chamboulé, massacré, que reste-il ?

Alors, comment faire de la politique, du syndicalisme, responsable dans ces conditions ? La solution passe par l’engagement de chacun de nous, le pire serait de démissionner ou d’alimenter, nous aussi, le chamboule tout. N’ayons pas peur, rien n’est écrit d’avance, le pire est possible mais nous pouvons l’éviter. Soyons militants. Engageons-nous.

01:23 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : syndicalisme

27/11/2016

Le concept de rupture : archaïque, belliqueux, malveillant, quand celui de réforme…

La rupture excite beaucoup de monde en ce moment, tout au moins en politique. C’est à celui qui serait le plus apte à engager des ruptures que nous devrions accorder nos voix.

Si les mots veulent encore dire quelque chose, la rupture est « une séparation brutale ». On parle de rupture de contrat, d’anévrisme ou tout simplement de rupture amoureuse, autant dire que la rupture ne fait pas rêver. Alors pourquoi nos candidats présidents ont-ils tous ce mot à la bouche.

Est-ce mollasson de préférer mutation, évolution, transformation, transition ?

J’ai toujours préférer le lien à la rupture, la réconciliation à la rupture, c’est même un idéal militant. J’ai eu la chance d’avoir des maitres capable de m’expliquer que la réforme est plus révolutionnaire que la révolution (cf. Nicole NOTAT). Les jeunes socio-démocrates allemands et suédois ont passé des soirées à me convaincre des vertus de la négociation. Le dissident polonais, Jacek KURON, expliquait « j’ai arrêté d’etre révolutionnaire, le jour où j’ai appris que si je gagnais je devrais vivre avec mon adversaire ». Comment ne pas voir qu’il est très difficile de coexister après une rupture ?
Comment ne pas voir que ce concept de rupture conduit à des casses que nous (ou nos enfants) serons obligés de recoller plus tard avec patience et beaucoup de persévérance.

Proposer la rupture n’est-ce pas un signe d’impuissance à changer autrement qu’en démolissant ce qu’ont fait les prédécesseurs ?

Ne serait-ce pas plus facile de refonder la politique en proposant le changement (même radical) par la négociation ?
Les partisans des ruptures ne croient plus aux corps intermédiaires capable de réguler leurs conflits d’intéret. Ils ne croient qu’à la politique au point de légiférer avec le 49-3 !

Maintenant, je comprends l’impatience, l’urgence, la nécessité de se démarquer entre candidats. Mais les réformistes ne doivent pas se taire, surtout quand les temps ne sont pas favorables.
Et puis, qui peut nous expliquer que sur les retraites, le cout du travail, la durée du travail, comment il est possible de rompre brutalement avec les réformes déjà engagées.

Aller plus vite, faire autrement, oui. Mais en laissant une place, une toute petite place, au dialogue.

09:49 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réforme