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22/02/2011

Le temps, ce bien si précieux

Il y a quelques dizaines d'années, je me suis prêté à un test sur ce qu'était mon "horizon temporel" et j'avais été surpris de savoir que j'étais capable de réfléchir à 20 ans quand d'autres avaient du mal à envisager l'année suivante. Depuis j'ai beaucoup travaillé sur la notion du "temps long". La problématique des retraites m'y aurait d'ailleurs obligé.

Voici un texte écrit par et avec Edouard un lecteur assidu de ce blog.


La Révolution et les Lumières ont donné aux citoyens un droit politique, que personne aujourd’hui ne consentirait à perdre : la liberté. Le XIXe siècle et l’Etat providence naissant ont progressivement octroyé un droit social, auquel là encore nous sommes légitimement attachés : la solidarité collective. A l’aune du nouveau millénaire, ce sont les droits humains qui progressent, et peu à peu deviennent des constituants de notre vivre ensemble. Ces droits humains se regroupent maintenant sous l’appellation générique de développement durable.

Un des faits marquants de notre époque tient à l’émergence d’une nouvelle contrainte collective : le temps. Deviendra-t-il demain un nouveau droit collectif à conquérir ? Trois essais sont publiés en 2010 : Helmut Rosa : Accélération, une critique sociale du temps, Paul Virillio : Le grand accélérateur et J.L Servan Schreiber : Trop vite! Ils font tous le constat de la contraction de nos temps de vie, de nos rythmes, de l’accélération de tous les domaines de notre existence. Les Smartphones font entrer le travail dans nos temps de vie privée. Les relations sociales se font dans l’immédiateté des réseaux connectés…seul face à son écran. Les technologies, les objets que nous consommons, sans avoir le temps de réfléchir à la pertinence de ces achats, se suivent à un rythme toujours plus effréné comme les jouets que nous offrons à nos enfants. Ne vous méprenez pas sur mon propos, en rédigeant journellement ce blog je me soumets, moi aussi, à la tyrannie du papier immédiat. Je ne porte donc pas un jugement de valeur sur ceux qui travaillent dans l'urgence mais je m'interroge sur le fait que cela devient un mode de vie, un mode de pensée, un mode d'action que nous devrions accepter sans aucun recul.

Cette forme de modernité n’est pas exempte de souffrances potentielles. Un état de stress, une nervosité, une hyperactivité désastreuse pour la santé physique et mentale. Les injonctions se bousculent : “savoir attraper l’opportunité”, “surfer sur la mode de…(elle change si vite!)”etc.… C’est probablement devenu une cause majeure des souffrances au travail. Souffrance de ces salariés qui se sentent stressés, épuisés nerveusement, par une conduite du changement, leitmotiv des managers, mais presque toujours perçu comme une contrainte, une épreuve qu’il faut surmonter pour avancer encore et toujours… Dans un monde où tout devient urgent, la moindre déconnexion temporaire devient culpabilisante. La peur de manquer une affaire, de rater une évolution ou une actualité, nous pousse à rester connectés, même au mépris des limites de nos capacités cognitives.

Des courants de pensées émergent pour lutter contre cette accélération et connaissent un vif succès : le Slow Food, le mouvement Wwoofers, la Cittaslow… De nouvelles manières de vivre apparaissent. Je pense aux évolutions de la paternité, à cette incroyable augmentation du temps de présence chez les jeunes pères que nombre d’études empiriques commencent à démontrer. Je pense à tous ceux qui prennent encore le temps d’écrire, de peindre, de composer de jardiner ou simplement de contempler.

Cette fuite du temps, de nos différents temps (professionnelles, familiaux, personnels), n’est pas un facteur anodin ou un simple artefact de notre mode de vie moderne selon moi. Elle contracte tout, jusque nos solidarités familiales et intergénérationnelles. Alors n’oublions pas que la liberté, c’est aussi celle de prendre le temps de réfléchir, de créer, ou juste de ne rien faire. Alors n’oublions pas que la solidarité collective, c’est aussi du temps que l’on offre à l’autre, à celui qui en a besoin et qui a besoin de nous. Alors n’oublions pas que le temps passe toujours trop vite, et que profiter un peu chaque jour de ce, et de ceux, que l’on aime, c’est un jour, l’assurance de ne pas se dire qu’il est déjà trop tard.

02:19 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (0)

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