140247

29/03/2020

Comment décider et faire respecter les décisions en temps de crise.

Exceptionnellement, je reprend, ici des éléments, de ce que nous disons en formation continue Sciences Po ou en conseil en entreprise sur comment décider et faire respecter les décisions en temps de crise.

Quand ça va très mal, que la tempête couche le bateau, les passagers cherchent Le capitaine, ils scru-tent comment il tient la barre et comment les matelots respectent les ordres.
En entreprise, c’est la même chose.

Nous vivrons tous un jour ou l’autre une crise grave. Nous devons nous y préparer quand les vents ne sont pas contraires. Nous ne parlons pas ici de communication de crise mais de gestion de crise.

Il faut déjà qu’il y ait un décideur au statut de chef, pas un simple animateur, un responsable, mais un chef qui sait décider. Les méthodes de prise décisions ne sont pas neutres, plus elles seront connues et validées comme efficaces, mieux elles seront acceptées et appliquées. Aussi, toute décision prise dans « le secret des dieux » ou dans l’émotion sera sujette à la contestation. C’est en temps calme qu’il faut expliquer comment sont prises les décisions, dans votre entreprise, avec le chef que vous avez ( même s’il vous agace!). Dites vous que si votre chef n’est pas idéal, vous ne l’avez pas choisi.. mais c’est votre chef, point barre.

Plus l’entreprise est grande, plus il est dur d’identifier les lieux et méthodes du pouvoir. Plus le colla-borateur aura du mal à identifier le capitaine et plus il sera perméable aux rumeurs et fake news.

On peut toujours regretter que nous ne sommes pas formés aux contraintes du décideur, aux méthodes de prises de décisions, au concept de la complexité ou de l’analyse systémique. C’est à nous d’essayer de combler ces manques éducatifs.

Comme responsable syndical je disais « quand tout se précipite, tu appliques ce que les dirigeants te demande, tu remets à plus tard tes états d’âme ». Apprendre à prendre du recul à chaque fois que l’on ne comprend pas un ordre, ce n’est pas être un béni oui oui si en temps normal le droit à l’interrogation, au questionnement est reconnu. Encore faut il organiser ces plages de discussions libres et collectives.

Assumer le JE comme l’a fait MACRON est une obligation, la crise n’aime pas les nous et encore moins les boucs émissaires ou les échappatoires comme le « CODIR a décidé ». L’autorité doit être incarnée, nous ne sommes pas en bureaucratie.

Attention aux audits ou aux consultants-alibis, ( le recours au comité scientifique par le gouvernement, se comprend, un politique n’est pas un spécialiste des maladies infectieuses). Mais pour être compris, ce recours aux experts doit être expliqué. Rien ne sert de se référer uniquement à des sachants car le décideur décide à partir d’informations scientifiques où technologiques mais aussi financières, éthiques, sociales, règlementaires . L’inexpérience du pouvoir, le manque de courage, peut conduire à des fuites de responsabilité, vous avez fait un auto diagnostic en situation tendue, rappellez vous tou-jours que le seul comportement efficace est celui de l’assertivité.*

Respecter la chaîne de commandement, l’urgence ne justifie pas tout. Dans nos entreprises participa-tives, il est reconnu une certaine autonomie aux managers intermédiaires, cette autonomie est limitée en temps de crise. Paradoxalement, c’est dans ces entreprises plus horizontales que la chaîne de com-mandement réagira plus efficacement, parce qu’elle a l’expérience de faire le tri entre objectif et in-jonction.
Dans une entreprise verticale tout le monde regarde vers le haut, attends les ordres et avec le temps chacun se déresponsabilise et applique « à sa façon » les directives. A force de dire que nous sommes en crise, en état de crise, nous dramatisons des situations difficiles au point de banaliser une réelle situation de crise quand elle survient.

Tout cela pour demander de ne pas appeler crise n’importe quel dysfonctionnement ou pépin grave.

La crise c’est une situation où des vies sont en danger. Un accident sur site Seveso, un risque d’intoxication alimentaire de milliers de clients...
Toute situation où la vie de l’entreprise est réellement en danger.

Discerner le grave du vital est une fonction managériale que nous devons apprendre avec l’aide des managers expérimentés.

En période de crise, nous payons les conservatismes au prix fort. Savoir agir dans la société telle qu’elle est et non telle qu’on la voudrait. Notre société est foncièrement individualiste, concurrentielle entre collaborateurs, méfiante de toute institution et donc de tout pouvoir, super connectée où chacun se croit investi du pouvoir d’information... Dans cette société des rumeurs en tous genres, des fake news, nous voyons les conservateurs gagner du terrain. Or en temps de crise, les conservateurs sont incapables de remettre en cause l’existant et perdent un temps fou à prendre les bonnes décisions. ( notons que dans cette crise, notre gouvernement non conservateur a su rapidement décider)

Alors, comment faire?
Être plus que jamais objectif et factuel. Continuer à sérier les faits et les opinions. Une opinion n’est entendable que si validée par des faits.
Embarquer les réseaux indépendants de la direction comme les Comités Sociaux Économiques com-posés de syndicalistes élus et donc légitimes dans l’explication des décisions.
Ne pas être toujours en mode de management vertical. Le management par injonctions doit être réser-vé aux situations de crises graves.
Apprendre à bannir les injonctions contradictoires qui conduisent le collaborateur à ne plus savoir ce qu’il doit faire.
Instaurer une culture d’entreprise où chacun sait se situer dans la chaîne de commandement. Oú les méthodes de prise de décision sont connues et validées.
Enfin, et c’est le plus important, où le capitaine est incarné comme le décideur qui décide de l’essentiel c’est à dire le vital et laisse une grande autonomie pour la gestion du quotidien.

C’est aussi une société où régulièrement sont ouverts de vrais espaces de débats et de libertés où les curseurs sont ensuite repositionnés.Tout le contraire du grand débat ou du débat permanent du café du commerce.

11:45 Publié dans Actualités | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise 2020