15/09/2014
Les négociateurs syndicaux et patronaux doivent changer leur manuel scolaire.
En période de difficultés économiques, de chômage important, les syndicats, à l’image des salariés, n’en rajoutent pas. Cette rentrée sociale comme les précédentes ne fera pas la une des journaux. Même la Cgt n’a pas annoncé sa grande messe revendicative de rentrée. La rentrée sociale se fait désormais au sein des entreprises où les partenaires sociaux sont confrontés à plusieurs chantiers qui nécessitent la modernisation rapide du dialogue social.
La première des difficultés est d’ordre culturel. Syndicalistes et DRH sont, depuis toujours, des négociateurs invétérés de la fiche de paie. Augmentons les salaires, donnons du pouvoir d’achat et CQFD cela créera de l’emploi ! Eh bien non le cycle Keynésien doit être revisité. Aujourd’hui c’est la politique de l’offre qui prime sur celle de la demande, et les négociateurs sont bien démunis face à ce changement. La politique de l’offre c’est négocier les conditions de la production, c’est mettre en haut du cahier revendicatif, la formation, les investissements, la Recherche Développement, c’est aussi travailler aux économies d’énergies et à cette fameuse (et encore trop fumeuse) troisième révolution industrielle.
Je vois avec mes collègues consultants, une demande accrue des entreprises pour acquérir les bons comportements à tenir dans cette période de transitions multiples. Apprendre à négocier le changement, apprendre le management latéral et non plus hiérarchique, apprendre à réfléchir ensemble et non plus à faire passer des messages, voilà le contenu des nouveaux manuels de la négociation collective. Malheureusement, ces manuels n’existent pas et s’ils existaient, ils seraient inopérants, car c’est du sur-mesure social qu’il faut aujourd’hui réaliser. C’est surtout être capable de s’adapter à ses interlocuteurs pour entrer dans des relations constructives. Tout le contraire du « bouffage » de syndicalistes ou de DRH !
Parmi les dossiers nouveaux, il y a la BDU (la base de données unique) qu’il faut mettre en place au niveau de chaque entreprise. Le compte pénibilité, si décrié, est pourtant une opportunité pour cibler les postes de travail à risques trop longtemps compensés avec des primes.
Enfin, comment négocier les futures NAO (négociation annuelle obligatoire sur les rémunérations) quand l’indice des prix est proche de zéro et les marges de l’entreprise sont à utiliser prioritairement pour les investissements ? et les délégués syndicaux, les plus finaux, ne se priveront pas de demander des comptes sur l’utilisation du CICE.
Cerise sur le gâteau, les managers intermédiaires, éternellement pris entre le marteau et l’enclume devront maintenant aller en formation pour « apprendre à gérer positivement son délégué au quotidien». Encore un joli changement culturel.
Oui un autre monde pointe à l’horizon et la rentrée c’est aussi apprendre de nouveaux comportements, de nouvelles attitudes socialement efficaces.
article paru dans Autrement Dit
01:30 Publié dans Ressources humaines | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cice
11/09/2014
Jean Paul JACQUIER nous a fait la nique, une dernière fois
Quand d'autres syndicalistes cherchaient de fausses bonnes raisons à la crise du syndicalisme des années 80, Jean Paul JACQUIER, secrétaire national de la CFDT, décide d'expérimenter de nouvelles méthodes, de nouveaux outils pour retrouver une meilleure efficacité au service des salariés. Il est bien seul, à l'époque.
Son parti pris est de prendre le contre pieds radical des syndicalistes dits purs et durs, sûrs d'eux,incapables de remettre en cause leurs fondamentaux. Dans son livre, un peu délirant, "les cowboys ne meurent jamais", il propose un new deal syndical aussi décapant sur la forme que sur le fond.
J'ai adhéré rapidement au style JACQUIER, provocateur, irrévérencieux, décalé.. mais surtout basé sur l'expérimentation. Ainsi, l'autre jour avec Françoise BOUREL, nous nous rappelions l'épopée du premier Forum des Comités d'Entreprise. Jean Paul, considérant la bonne image des CE ( par ailleurs très décriés par ceux qui refusaient l'institutionnalisation du syndicalisme), décida de valoriser les actions innovantes menées par les élus, y compris les non syndiqués qui étaient majoritaires. Françoise était chargée de l'accueil, "le plus convivial possible" avait exigé JP, mais voilà qu'à l'heure dite, les visiteurs étaient rares et c'est la peur au ventre que nous regardions les stats d'entrée... Le premier Forum fut un succès.
Autre "innovation" de Jean Paul, l'analyse informatisée des accords négociés en entreprise. Cela paraît normal aujourd'hui, mais ce fut à l'époque une vraie révolution syndicale. Il n'était pas habituel de valoriser les acquis syndicaux, modestie oblige, le syndicaliste ne devait pas se mettre en avant, un bon syndicaliste devait se faire mal, Jean Paul raillait cette vision masochiste du militantisme. Il avait le syndicalisme joyeux, flamboyant.
Dans un papier hebdomadaire dans le journal officiel de la CFDT, intitulé "pingpong", JP clouait au pilori le gouvernement de Mitterrand, histoire d'enfoncer le clou sur l'indépendance syndical, ou sur les doubles discours patronaux ou syndicaux.
Même à la retraite, Jean Paul réalisa ce que la CFDT n'avait jamais pu ou voulu mettre en place, le site "les clés du social" véritable banque de données sur le social français mais aussi européen. Convaincu avant l'heure de l'efficacité des réseaux sociaux, Jean Paul réalisa ainsi la synthèse de l'œuvre de toute une vie.
Jean Paul JACQUIER est décédé au début de cet été, incapable d'écrire ce texte plus tôt, je garderai toujours le souvenir chaleureux de Jean Paul qui d'après sa femme me considérait comme son fils putatif, je suis fier d'avoir été l'ami de ce monument syndical.
02:21 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jp jacquier
08/09/2014
Ma fauvette des jardins
Elle est revenue à la fin du printemps, comme chaque année, après un long voyage d'oiseau migrateur.
Je suis toujours émerveillé de voir ces petits volatiles revenir chaque année au même endroit et reconstruire un nid à la même place. De même, dans "ma" rivière, j'ai du mal à me dire que les anguilles viennent des Sargasses. C'est le grand mystère de la vie.
La tête rousse et le ventre gris cendré, ma fauvette semble si fragile, de la taille d'un moineau, elle est beaucoup plus élégante et alerte, plus sauvage aussi.
Son gazouillis régale mon petit déjeuner de notes flûtées.
En juin, elle a posé quelques herbes sur le petit projecteur vissé sous la gouttière. On appellera cela un nid. Et puis, un weekend j'y devine le sommet de son crâne, elle couve 3 ou 4 œufs, sur cette plateforme-confetti. Très farouche,elle s'envole au moindre geste. Elle se pose alors, à mi hauteur, sur la barrière du jardin. De ce poste de surveillance, comme un rapace, elle scrute le proche horizon et d'un coup, elle voltige et fonds sur un insecte invisible voire un papillon et retourne de percher au même endroit sur la barrière. Elle recommencera une dizaine de fois ce ballet avant de choisir le dessous du prunier comme terrain de chasse et recommencera ses voltiges dans un espace très restreint.
Quand les petits sont nés, trois énormes gosiers dépassent du nid et je ne m'ennuie pas de voir la fauvette aller de la barrière du jardin gober un moucheron et venir offrir la becquée aux jeunes affamés sans jamais s'arrêter. Toujours en mouvements, je ne l'ai jamais vu se reposer.
J'adore cette fauvette des jardins, élégante travailleuse, mère exemplaire et m'interroge sur les humains capables de délaisser leur enfant dans une voiture sur un parking de boîte de nuit. Je m'interroge sur la fidélité qui la pousse à revenir chaque année sur ce tout petit bout de ferraille. Et je m'interroge sur l'utilité de passer mes matinées à regarder ce qui n'est qu'un animal...
01:40 Publié dans A lire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : fauvette